Direction le vieil hangar désaffecté de Carle Vernet. Pour certains pans de murs il est déjà trop tard, les ouvriers à contre-coeur ont recouvert de blanc les graffitis, comme pour proclamer que leurs dernières heures sont finalement arrivées. Plus besoin d’escalader une petite fenêtre pour atteindre notre but, aujourd’hui c’est une brèche béante dans ces murs qui nous ouvre la voie.
Un dernier shooting photo avant d’abandonner définitivement cette vieille bâtisse qui finira en débris d’ici deux mois, on reste sans voix face aux œuvres vouées à disparaitre. De loin, depuis la route, c’est comme si le temps ne s’était pas écoulé et que tout restait inchangé, comme si le hangar n’avait jamais eu ces allures de désaffecté, que l’industrie redevenait maîtresse des lieux.
Avant que tout cela n’arrive il était difficile de pénétrer au sein du hangar, une petite ouverture nous laissait à peine l’espace pour nous faufiler. Rien d’impressionnant à première vue, même si règne une ambiance pesante, de solitude, de désolation. Et vient alors la terrasse, recouverte dans son intégralité de graffs et tags en tout genre, un véritable jeu d’artifices se livre sous nos yeux, marquant un net contraste avec ces murs de bétons durs et froids.
Par le regard de Marilyn, on pouvait discerner l’intérieur des lieux, nous délivrant alors un spectacle saisissant, une immense salle éclairée de jets de lumière causés par la décrépitude du toit. Une étendue vaste et sombre devant nous, cloisonnée par de grands murs glacials à donner des frissons, réveillée par une certaine chaleur artistique.
La présence de l’art en ce lieu est épatante même époustouflante, la magnitude des lieux amplifiée par les créations environnantes vous donne presque l’envie d’y marquer l’empreinte de votre propre passage. Cet endroit décuple l’inspiration, l’art s’en approprie sans scrupule et le rend d’autant plus remarquable. De cette industrie morte et grisâtre renaît un art libre et d’autant plus prégnant.
L’endroit se divise en de multiples pièces sombres, de bureaux, de couloirs interminables s’achevant en une opaque obscurité. Aucune fenêtre pour vous rassurer et donner un peu d’air frais, on persiste à avancer légèrement troublés, on aperçoit alors un escalier métallique en spirale, coupant radicalement l’image froid et droite des murs. Il arrive comme une échappatoire, comme un symbole d’élévation vers la lumière, contrastant abruptement avec la pièce sombre aux pilonnes rectilignes.